Henri Tsiang

Les Médecines Traditionnelles

Les Médecines Traditionnelles

 

Henri Tsiang

 

 

Dualité

 

On peut être tenté d’opposer la médecine traditionnelle à la médecine dite moderne, mais la seconde étant fille de la première, cette dualité n’est qu’apparente et la distance qui les sépare est celle du temps. Chaque civilisation a imprimé une orientation particulière suivant l’évolution de sa culture, de ses ressources naturelles en plantes et mais aussi de sa relation avec la vie et la mort. Les religions y ont joué un rôle central, et souvent elles conservent un rôle de médiateur important.

 

Toutes les civilisations du monde ont pratiqué les médecines dites « traditionnelles » à l’aube de leur développement. La médecine moderne occidentale a émergé des médecines traditionnelles à travers un long parcours lié à l’évolution de la pensée scientifique il y a plus d’un siècle. Elle a réalisé une formidable révolution grâce aux découvertes scientifiques, à la recherche médicale et aux performances technologiques qui ont apporté des outils de plus en plus performants pour la connaissance des sciences du vivant et des sciences médicales. Elle a ainsi développé des outils pour diagnostiquer et pour intervenir sur les maladies, une recherche et une industrie pour fabriquer les médicaments qui ont radicalement changé la vie des populations qui en bénéficient. La qualité de vie associée à un environnement où la pénibilité du travail a fortement diminué, et à l’établissement de système de santé moderne ont modifié l’espérance de vie qui s’est considérablement rallongée au cours du siècle dernier. L’idéal serait d’étendre ces acquis médicaux à toute la population mondiale.

 

Les Médecines Traditionnelles

 

Cependant la très grande majorité de la population mondiale ne bénéficie pas totalement des progrès de la science médicale pour des raisons économiques. C’est ainsi que pour affronter les maladies, les médecines traditionnelles (MTR) sont elles largement utilisées dans le monde, essentiellement parmi les populations les plus pauvres. Si les MTR ont été considérées comme rétrogrades, non scientifiques, relevant du charlatanisme et souvent interdites dans certains pays, cette situation a considérablement évolué au cours de ces dernières années. D’une part, une analyse plus précise et moins dogmatique des MTR a montré que certaines pratiques ou ensembles de pratiques possèdent effectivement des efficacités avérées et qu’il convenait de ne pas tout rejeter en bloc. D’autre part, une analyse de la situation sanitaire mondiale montre que le fossé économique entre les populations les plus riches et les plus pauvres ne sera pas comblé dans les prochaines décennies. L’évolution de la médecine moderne ne permet pas d’entrevoir une amélioration de la situation en raison d’une part, des coûts de plus en plus élevés de la médecine moderne, et d’autre part de l’institutionnalisation des mécanismes de la propriété industrielle qui vont rendre inaccessibles aux plus pauvres, les médicaments les plus récents. Cette croissance des coûts de santé est déjà difficile à supporter dans les pays les plus développés, il y a peu de chance qu’elle devienne plus accessible dans les pays en voie de développement sans un changement radical de la situation économique et géopolitique internationale. Il est peu vraisemblable que la grande majorité de la population mondiale puisse avoir un jour, un accès total à la médecine moderne, en raison des manques de moyens, d’infrastructures mais aussi par une absence de volonté collective. A l’heure actuelle, environ 1,5  à 2 milliards de personnes sur 6 milliards ont les moyens d’être soignés avec la panoplie des moyens de la médecine moderne. La très grande majorité de la population mondiale n’a pas les moyens de s’offrir les soins qu’offrent une infrastructure sanitaire et un système hospitalier moderne.

 

La MTR a un coût nettement inférieur à ceux de la médecine moderne. Elle peut pallier à certaines défaillances des dispositifs sanitaires des populations défavorisées grâce à des réseaux de tradi-praticiens déjà largement implantés parmi elles.

 

 

Les Médecines Complémentaires Parallèles

 

Par ailleurs, s’est établie une autre évolution dans les pays développés où, prenant le contre-pied de la médecine moderne pour des médecines dites « douces » ou « alternatives », une partie importante de la population s’est orientée vers des pratiques moins agressives.

 

Cette évolution reflète aussi l’inquiétude suscitée par la pratique de la médecine moderne et des médicaments allopathiques. Ces sentiments sont confortés par les récents débats qui ont conduit au retrait éventuel d’un certain nombre de médicaments allopathiques dont l’innocuité et l’efficacité ne seraient pas avérées. L’importance des infections nosocomiales contractées dans les établissements hospitaliers et les problèmes post-opératoires de plus en plus médiatisés en ont donné une image négative malgré la très haute technologie mise en œuvre. Les gestions des crises du « sang contaminé » et des « extraits thyroïdiens » ont jeté le discrédit sur les systèmes de santé et les scientifiques sensés être les garants d’une certaine éthique médicale. Il en est de même pour la Food and Drug Administration (FDA) américaine à qui on reproche un manque d’indépendance face aux industries pharmaceutiques des Etats-Unis.

Une relation du patient au soigneur plus humaine que le découpage des maux humains en autant de spécialités médicales souvent isolées les unes des autres, fait rechercher une approche thérapeutique plus holistique. Le constat effrayant du coût réel de la médecine moderne et de son accélération, fait que le patient a le sentiment d’être dans un système de financement de ses soins qu’il ne maîtrise pas. La pression administrative exercée sur les médecins en fait des otages pour qui le temps est compté et dont la disponibilité d’écoute et la marge de manoeuvre sont de plus en plus réduites. Par ailleurs, l’évolution des sciences liées à la médecine (la génétique moléculaire, la physico-chimie, les techniques d’investigation moderne dont les rayons X ont été les précurseurs, les techniques de chirurgie) a rendu la pratique médicale souvent hors de portée de la compréhension du plus grand nombre. Le réflexe naturel est de court-circuiter et de rejeter ce qui est hors de son champ de compréhension immédiate pour faire appel à l’intuition et au « bon sens ». Tout naturellement, une médecine douce ou alternative permet d’envisager des thérapeutiques pour lesquelles le patient manifeste plus d’empathie. Le développement d’une culture basée sur le choix citoyen de sa propre thérapie, et une mode des produits naturels et écologiques crée un environnement favorable au besoin d’une prise en charge individuelle de sa propre santé. Elle permet de croire que l’on peut échapper à une médecine dont la logique est perçue comme trop financière. Cependant, cette médecine alternative et douce, définie comme « complémentaire et parallèle » (MCP) vient elle-même d’entrer dans une logique commerciale comme le montrent les salons de « médecine douce » qui font un grand succès commercial dans les pays les plus développés.

 

Les racines et origines de la MTR  

En réalité la MTR n’est pas seulement différente de la médecine moderne de par les techniques pratiquées, elle l’est également de par les différences dans la façon de percevoir l’homme dans sa relation à la nature et à l’environnement. Cette différence est surtout vraie pour les médecines traditionnelles indiennes et chinoises dont les pratiques sont les plus structurées, où l’homme est profondément relié à la nature dont il fait partie intégrante, et dont le désordre de santé proviendrait du déséquilibre dans ses relations avec l’environnement. Cette perception holistique est donc très éloignée de la pratique médicale moderne qui envisage d’analyser des éléments de plus en plus détaillés et de les isoler afin d’en faire un diagnostic précis.

Les premières descriptions de plantes médicinales ont été découvertes dans des textes cunéiformes sur des tablettes d’argile en Mésopotamie et des textes en hiéroglyphes égyptiens sur des papyrus. Mais les premiers ouvrages de médecine ont été rédigés dans le courant des grandes civilisations indienne, chinoise, arabe et grecque. Il est vraisemblable que des pratiques médicales ont existé bien avant l’invention de l’écriture.

 

Une approche holistique

Avec la médecine ayurvédique, la médecine chinoise traditionnelle (MTC) est parmi les MTR celle qui possède la plus large panoplie d’outils et de pratiques, couvrant  tous les domaines de la médecine hors du champ de l’allopathie. Comme pour la médecine indienne, elle est centrée sur une démarche de prise en charge de son corps par une attitude philosophique.

 

Il est évidemment trop complexe de faire une description de la MTC; en revanche, il est possible d’en faire l’approche par des comparaisons avec la médecine allopathique. La médecine occidentale est basée sur un diagnostic précis de ou des organes malades par une analyse de plus en plus pointue : identification de l’organe malade, analyse des paramètres physiologiques et biochimiques. Cette précision est aujourd’hui moléculaire, et on recherche le morceau de gène responsable ou l’unique acide aminé en trop ou en moins qui serait responsable du désordre. L’expert devient spécialisé  à l’extrême, l’ultime savant est celui qui a la connaissance de « la » molécule responsable du mal. Ce chemin vers l’infiniment petit a donné naissance à la formidable explosion scientifique de la biologie moléculaire sensée pouvoir apporter une réponse thérapeutique pourvu que la molécule soit identifiée.

A l’opposé, la MTR va tenter de tenir compte de la complexité des relations entre les différents organes dont les déséquilibres fonctionnels vont entraîner l’apparition d’un état de « mal » parmi l’un d’entre eux. Cette approche globale fait que le diagnostic ne se fera pas nécessairement au niveau de l’organe en état de souffrance mais éventuellement par l’examen d’un organe situé à distance et ayant une apparence saine. Il n’y a pas de spécialiste en MTC.

 

Bien entendu, les traitements qui découlent du diagnostic vont être directement la conséquence d’une approche allopathique ou holistique. Dans un cas, le médicament ou le traitement allopathique sera destiné à guérir l’« apparence du mal » (symptôme) au niveau de l’organe qui souffre ou au niveau du désordre apparent. Le traitement sera une « frappe ciblée » pour faire disparaître le symptôme, voire la cause apparente du « mal ». Dans le cas de la MTC, le traitement sera orienté vers un re-équilibrage des désordres dont les sources ne sont pas nécessairement situées au niveau de l’organe atteint, traitement nécessairement complexe et difficile à identifier par les critères de l’efficacité pharmacologique. Bien entendu, cette dichotomie simpliste est uniquement destinée à illustrer les orientations générales, la réalité est souvent moins facile à définir.      

 

C’est ainsi qu’associés aux pratiques thérapeutiques, les notions de diététique, la pratique de gymnastiques douces, les exercices mentaux sont autant d’éléments qui participent aux notions de renforcement de l’énergie et de rétablissement d’un équilibre perturbé. 

 

 

Situation actuelle des MTR/MCP

 

A l’heure actuelle, parmi les pays qui pratiquent la MTR, l’Inde et la Chine sont ceux ayant une base structurée, une pratique de plusieurs milliers d’années, une formation universitaire et une infrastructure sanitaire intégrée au système de médecine moderne. D’autres pays asiatiques, certains pays africains, et les populations d’Amérique Latine possèdent des pratiques de MTR spécifiques. En revanche, la normalisation des pratiques, des médicaments et la formation des médecins ou des tradi-praticiens n’est pas encore à un stade aussi avancé que pour l’Inde et la Chine.

 

Au-delà des positions polémiques faces aux MTR/MCP, ces médecines sont une réalité pour des milliards de personnes, essentiellement dans les pays en voie de développement, mais également dans les pays développés. Elles représentent donc un élément fondamental et incontournable de la médecine actuelle dont le poids économique est loin d’être négligeable.

 

 

Les pratiques de MTR

 

Les thérapies de la MTR sont basées sur deux approches essentielles. L’une concerne la fabrication de médicaments à base de plantes, de produits animaux et de minéraux ayant des effets physiologiques ou psychiques. La seconde approche est basée sur les effets de manipulations du corps, essentiellement par massages, par mobilisation des articulations, par acupuncture ou par moxibustion. On peut y adjoindre l’utilisation de techniques agissant sur le mental dont les dernières découvertes scientifiques sur la méditation sont tout à fait étonnantes.

 

Les régions du monde où la MTR est prédominante ou revêt une importance significative sont essentiellement les régions les plus défavorisées économiquement. L’Afrique, l’Asie, l’Amérique Latine sont les principaux utilisateurs. Pour la majorité de ces populations, la MTR participe parfois à 80% aux soins de santé primaires, les seuls accessibles en raison du coût des traitements et de la proximité du tradi-praticien. Lorsque la situation économique le permet et lorsqu’une infrastructure médicale est présente, la médecine allopathique est le plus souvent préférée si le poids des traditions locales n’est pas trop fort. Les aides humanitaires sont également d’un secours efficace et peuvent apporter de façon malheureusement ponctuelle, un support sanitaire auquel les bénéficiaires n’auraient jamais accédé normalement.

 

 

 

Les pratiques de la MCP

 

Dans les pays industrialisés, les médecines « alternatives », ou « douces » par opposition à la médecine allopathique, recouvrent plusieurs éléments d’origine diverse. En premier lieu, il s’agit de médecines qui se sont développées localement en marge de la médecine officielle, la plupart du temps très fortement combattues par la médecine « officielle ». Le « rebouteux », le « guérisseur » d’antan dont le savoir-faire était dénigré, et qui était rangé dans la catégorie des « sorciers » et « charlatans » retrouve aujourd’hui une reconnaissance et une image positives. L’herboristerie n’a pas disparu et les plantes médicinales vont certainement continuer à jouer un rôle non négligeable. L’homéopathie développée localement en Europe en Suisse et en Allemagne au 18ème siècle, est une technique qui a trouvé sa place dans la panoplie des techniques thérapeutiques largement acceptées aujourd’hui par l’opinion générale, sinon par tous les professionnels. Elle reste fortement critiquée en France. La chiropraxie est actuellement très répandue en Europe. L’ostéopathie qui a été reconnue depuis longtemps en Grande Bretagne et d’autres pays européens reste controversée en France.

 

Il est actuellement fait référence à la MCP pour les pays industrialisés (Europe, Amérique du Nord, Australie). Mises à part les techniques proprement indigènes, la MTR « exotique » a également apporté des techniques qui complètent la panoplie des médecines locales. Outre l’usage des herbes médicinales, des techniques importées telles que l’acupuncture, certaines formes de massages; les pratiques du yoga, du qi gong sont également considérées comme faisant partie de la MCP. Le cas le plus intéressant est celui de l’acupuncture qui semble être bien « digérée » par les médecins occidentaux, son emploi depuis le siècle dernier s’est largement disséminé en Europe et en Amérique du Nord. Le Japon avait depuis longtemps intégré son utilisation dans le système hospitalier.

 

Critiques sur les MTR/MCP

Face aux défenseurs des MTR/MCP, les critiques ont toujours été vives. Elles ne sont pas récentes et ont toujours existé depuis l’émergence d’une médecine occidentale basée sur l’expérimentation scientifique et non sur des connaissances empiriques. Il est vrai que de tout temps, et partout dans le monde, les MTR ont donné naissances à des dérives et des abus conduisant à l’existence de charlatans et de pseudo-médecins autoproclamés. Il est également avéré qu’un nombre non négligeable de médicaments issus de la MTR ne sont pas efficaces sur la base d’essais cliniques récente. Il n’est cependant pas certain qu’un nombre également important de médicaments allopathiques actuellement utilisés ne soient pas non plus classés comme tels sur la base de critères cliniques actualisés. Le retrait en France d’un certain  nombre de médicaments des remboursements de la sécurité sociale montre que les standards et les normes peuvent être éminemment variables suivant les critères qui les définissent.

 

Mais la principale critique sur les MTR/MCP et sur les médecines alternatives réside en l’absence de bases scientifiques. L’acupuncture en est un bon exemple où aucune base scientifique analytique ne permet d’en expliquer le fonctionnement. La tentation est grande en effet de baser l’efficacité de l’acupuncture sur des critères de médecine allopathique, non seulement pour les tenants de la médecine occidentale mais également pour les médecins traditionnels soucieux d’acquérir une légitimité occidentale à leur pratique. La découverte de l’influence avérée de l’acupuncture sur les endorphines par des équipes médicales chinoises et américaines a été largement utilisée en tant que justification scientifique pour son emploi. Cependant cette découverte ne permet pas d’expliquer tous les effets de l’acupuncture, et surtout elle n’apporte pas une explication sur l’ensemble du système des méridiens qui se trouve à la base du concept des effets de l’acupuncture. Doit-on se contenter de considérer l’acupuncture comme un système ayant sa logique propre, échappant à toute analyse véritablement scientifique ? Un esprit cartésien ne peut sûrement pas s’y résoudre…. contrairement à un asiatique! En effet, les MTR véhiculent de fait des notions qui ne relèvent pas d’une dialectique cartésienne et scientifique. La notion d’ « énergie » ou de « souffle vital » ou « qi » ne fait intervenir aucune notion scientifique ou philosophique occidentale.

 

Les préparations médicinales complexes sont la meilleure illustration de cette incompréhension mutuelle. La pharmacologie moderne exige en effet que soit identifiée la molécule active ou le principe actif extraits de la plante. Comment étudier des médicaments qui comportent de très nombreuses plantes?  Cette critique met l’accent sur la difficulté actuelle à standardiser la composition et la commercialisation des médicaments issus de la MTR. Il est vrai que face à l’absence de normes, de la multitude de médicaments similaires produits par un très grand nombre de fabricants souvent artisanaux et incontrôlables, les risques de dérives sont réels (produits toxiques, produits sans effets, remplacement de plantes par d’autres, etc.). Des médicaments issus de la MTR ont ainsi provoqué des effets indésirables plus ou moins graves. Cette critique est sérieuse et demande à être traitée méthodiquement. De plus, si on connaît les contrefaçons des médicaments allopathiques, ceux de la MTR commencent également à apparaître dans certains pays asiatiques.

 

Cette situation est suffisamment grave pour que l’OMS, tout en demandant à ce que l’utilisation les MTR/MCP se développe, mette aussi en garde contre les risques des médecines et des médicaments traditionnels. Le nombre d’utilisateurs des MRT/MCP a sensiblement augmenté, accroissant les risques de mauvaises pratiques et de pratiques frauduleuses dans les pays développés. Cette situation rappelle la nécessité de standardisation dans la formulation des médicaments, leurs contrôles, mais également la nécessité que les praticiens de médecines alternatives soient dûment formés et accrédités.

 

 

L’OMS et la MTR/MCP

 

Le début de ce siècle a été marqué par un positionnement de l’OMS orienté vers une identification des ressources mondiales en matière de médecine traditionnelle afin de réintégrer celle-ci  dans les systèmes de soins de santé. Cette action est axée sur une évaluation de la qualité, de l’efficacité et de l’innocuité de la MTR/MCP, et sur l’établissement de bases de données et de connaissances. L’OMS souhaite ainsi avoir un rôle de conseil pour établir des normes d’assurance de qualité, éditer des réglementations pour une pratique des MTR/MCP dans les meilleures conditions possibles, pour les populations les plus déshéritées mais également pour les personnes qui, dans les pays développés souhaitent s’adresser à une médecine plus douce. L’ambition est d’intégrer la MTR dans les systèmes sanitaires des pays dont la couverture par la médecine moderne n’est pas complète ou insuffisante.

 

Cette prise de position est justifiée par le constat la très grand majorité de la population mondiale n’aura pas accès à la médecine moderne. Le différentiel des revenus économiques des populations pauvres ou simplement en situation de développement avec ceux des pays industrialisés ne permet pas de l’envisager sérieusement. Il semble en effet indécent de ne pas favoriser un soulagement relatif des populations les plus démunies grâce aux MTR sous prétexte qu’il existe des thérapies performantes modernes, scientifiques…. mais hors de portée.

 

L’OMS a développé un réseau d’organismes et d’experts en MTR/MCP en s’appuyant sur des Centres Collaborateurs OMS, dont le Centre OMS de Kobé au Japon,  pour réaliser cet ambitieux programme 2002-2005.

 

Des dispositifs pour la protection des MTR/MCP

Dans la panoplie des outils des MTR/MCP, c’est incontestablement les plantes et leurs dérivés qui constituent les principaux objets des dispositifs destinés à favoriser, codifier, protéger et industrialiser les « phyto-médicaments ». De façon générale, les différentes institutions onusiennes développent une stratégie générale de préservation des ressources naturelles, d’utilisation des plantes médicinales. Les pays en voie de développement possèdent des ressources naturelles qui peuvent être une source de revenus importants, des alternatives à la gestion de la santé, et constituer des nutriments pour complémenter leur alimentation. Ces ressources et ces connaissances doivent être protégées pour participer au développement  local alors qu’elles sont très souvent détournées au profit de puissantes industries internationales.  La standardisation des procédés de fabrication, l’amélioration de la production des plantes, une politique de protection industrielle et de reconnaissance des connaissances traditionnelles, de commercialisation peuvent réellement participer à un développement durable des MTR/MCP pour les PVD.

 

L’OMS travaille également en coopération avec l’Organisation Mondiale de la Propriété Industrielle (OMPI) pour favoriser la défense des intérêts des détenteurs de savoirs des MTR en ce qui concerne la propriété intellectuelle.

 

Parmi ces dispositifs existent également des instructions pour la protection des plantes et des animaux en voie de disparition. Une convention établit la liste des espèces menacées, interdisant leur commercialisation. 

 

Une industrie, un marché, des normes

La MTR/MCP de par le volume des médicaments commercialisés dans tous les pays représente une industrie et un marché importants. La MTR est déjà commercialisée dans la plupart des pays du sud est asiatique sous des formes et des présentations qui n’ont rien à envier aux médicament les plus modernes de l’industrie allopathique. Les produits proposés par la MCP dans les pays développés subissent des contrôles qui en garantissent l’innocuité. Dans les deux cas, les marchés sont en croissance.

En Chine, le Groupe Tong Ren Tang de Beijing envisage une ouverture de marchés à l’exportation et l’établissement d’une centaine de pharmacies pour 2008. Cette entreprise qui fête son 335ème anniversaire en 2004, a déjà créé 14 partenariats aux Etats-Unis, en Grande Bretagne et dans plusieurs pays du sud est asiatique. Les premières ouvertures de filiales ont eu lieu à Singapour et en Corée du sud en 2004. Les ventes à l’exportation ont été multipliées par 10 en dix ans, dépassant 20 millions de USD en 2003 depuis l’ouverture d’une filiale à Hong Kong. L’objectif de cette entreprise qui affiche un CA de 362 millions de USD, est d’atteindre 60 millions de USD en 2008. Cependant la MTC n’a pas encore atteint sa complète capacité de développement. Le potentiel d’un développement important des produits de la MTC reste donc important pour l’avenir. Le Groupe Tong Ren Tang est en train de négocier avec l’Académie Chinoise de Médecine Traditionnelle pour la création d’un centre de recherche bénéficiant d’un investissement considérable. Cet exemple illustre le dynamisme d’une industrie émergente qui, à défaut de trouver un débouché en Europe, intervient sur un marché de 3 milliards de patients potentiels. Sur le marché mondial des médicaments à base d’herbes, la Chine représente un CA de 30 milliards de USD en croissance annuelle de 10%.

En Chine la MCT représenterait entre 30 à 50% de la consommation de médicaments. Bien qu’elle soit en croissance en valeur absolue, cette croissance n’est pas comparable à celle vertigineuse des coûts de médicaments modernes, en particulier des antibiotiques et des anticancéreux. Mais c’est au Japon que la croissance de la MTR est la plus forte, même en valeur absolue. La consommation de MTR à base de plantes est la plus forte du monde par habitant. Au Japon, entre les années 70 et 80, la croissance de cette consommation a été multipliée par 5 comparée à celle des médicaments allopathiques.

Si l’industrie de la MCT dans les pays du sud est asiatique a des perspectives de développement tout à fait favorables, l’introduction des produits médicinaux asiatiques dans les pays occidentaux s’avère beaucoup plus difficile. Ce n’est pas le cas lorsque les médicaments ont été développés par des industries pharmaceutiques internationales qui vont re-introduire ces produits sur le marché mondial avec une plus-value très conséquente. La plupart des produits de la MCT sont actuellement vendus en Europe en tant que produit alimentaire, produits naturels, produits de santé, ou additifs nutritionnels mais non en tant que produits pharmaceutiques.

Les experts chinois considèrent le marché européen comme potentiellement intéressant en raison de l’engouement de toute une population de plus en plus attirée par une médecine alternative. Cependant la principale difficulté restera  celle qui consiste à faire évaluer l’efficacité des produits de composition complexe par des techniques analytiques qui elles sont destinées à évaluer l’efficacité d’une molécule bien identifiée. De nouvelles réglementations européennes doivent être strictement appliquées en août 2005. Elles impliquent l’obtention d’un certificat de fabrication GMP de l’Union Européenne, les produits doivent respecter les exigences de la pharmacopée européenne, et les importateurs doivent avoir une licence d’importation. Si cette réglementation très contraignante est pénalisante dans le court terme, la reconnaissance de produits de la MTR qui se conformeraient à cette législation serait une garantie pour un marché important.

Au cours de ces dix dernières années, la MCP s’est très largement répandue en Amérique du nord et en Europe (Grande Bretagne, Hollande et Belgique), le taux d’utilisateurs est en croissance constante. Moins encadrée que la médecine, mais également contrainte par des restrictions, elle est à la recherche d’une identité et d’une reconnaissance. Les preuves de l’efficacité de la MCP ont autant de difficulté à s’établir que ceux concernant la MTR. De nombreux laboratoires tentent d’établir des normes et de définir des matériaux de référence pour les produits les plus courants. Le Canada qui est le plus grand producteur de ginseng américain (Panax quinquefolius) évalue à 100 millions de USD annuel la valeur du marché pour ce produit.  

 

 

 

 

Conclusion

 

La mondialisation des activités humaines, la dissémination des savoirs scientifiques et médicaux ont certes permis d’introduire la médecine moderne et ses bienfaits dans la très grande majorité des pays. Cependant cette globalisation a également des limites, principalement d’ordre économique, mais également culturel et sociétaire.

A la suite d’accords sur la propriété industrielle, l’Inde est entrée depuis le 1er janvier 2005 dans le groupe des pays producteurs de médicaments génériques (Brésil, Thaïlande, Maroc, Tunisie, etc.) qui ont signé un accord sur la propriété industrielle (accord de l’Organisation Mondiale du Commerce). Cet accord qui protège les médicaments brevetés par les industries pharmaceutiques internationales, risque d’empêcher l’approvisionnement à bas prix, et l’utilisation des médicaments issus des dernières découvertes scientifiques pendant une durée de 20 ans pour les pays les plus démunis. Les médicaments génériques produits à bas prix coûtent de 20 à 30 fois moins chers, mais même dans ces cas, seules des actions humanitaires peuvent les rendre accessibles dans les régions les plus pauvres. En raison du coût plus élevé des médicaments dans l’avenir, et du fait que les mécanismes de résistance des microbes aux traitements thérapeutiques rendront peu efficaces les anciens médicaments, la situation sanitaire internationale risque de se détériorer très rapidement. Des dispositifs existent cependant, qui permettent des dérogations sous des contraintes administratives très restrictives de pallier à l’inaccessibilité des médicaments dans des situations d’urgence. Ils ne prennent pas en compte les situations endémiques qui sont la majorité des cas de décès dus aux maladies infectieuses.

Il est établi que le coût financier de la médecine moderne augmente plus rapidement que la croissance économique. La MTR/MCP apporte des outils complémentaires qui généralement ne sont pas des concurrents directs des méthodes de la médecine allopathique. Elle traduit aussi un besoin de prendre en charge sa propre santé par une démarche personnelle de vigilance et de responsabilité vis-à-vis des agressions extérieures. Une hygiène de vie, une alimentation saine et équilibrée, un mental renforcé par des exercices peuvent en effet être des facteurs qui diminueraient le besoin de faire appel à des interventions médicales d’urgence. Cette nécessité est renforcée par le vieillissement de la population mondiale.

 

Les progrès des sciences du vivant et les technologies médicales ont certes profondément amélioré la qualité de la vie et apporté des solutions inespérées à bon nombre de maux qui affectent les humains. Mais de même que nous percevons les limites de la croissance économique dues à l’espace fini de la terre, et l’urgence d’envisager un développement durable grâce à une politique de responsabilité collective, l’évolution des problèmes de santé doit être re-évaluée. C’est dans cette perspective que la re-introduction des MTR/MCP dans les systèmes sanitaires est une nécessité. En même temps, elle est déjà un fait établi puisque la majorité de la population mondiale y fait déjà appel. En revanche, toute l’ampleur de cette réalité n’a pas été totalement prise en compte.

 

Les avantages de l’introduction de la MTR/MCP dans les systèmes sanitaires sont les suivants : 1/ la possibilité de couvrir une population plus étendue que celle qui bénéficie de la médecine moderne par un accès plus facile grâce à la présence locale des tradi-praticiens ; 2/ un coût inférieur pour les soins et les médicaments ; 3/ répond à une demande pour une médecine parallèle dans les pays industrialisés ; 4/ représenter une industrie tant dans les pays en voie de développement que pour les pays développés ; 5/ est une source d’innovation pour les médicaments du futur par la recherche et le développement ; 6/ facteur facilitant le développement durable, en particulier dans les pays les plus pauvres ; 7/ élément de valorisation de la biodiversité. 

 

La globalisation des activités humaines depuis un siècle a singulièrement rapproché les deux  formes de médecine, allopathique et traditionnelle. La médecine moderne s’est généralisée et il n’existe pratiquement plus de pays qui ne se soit doté d’un minimum d’équipements et d’infrastructures médicaux. Les populations ayant une longue tradition en MTR, en particulier en Inde et dans le sud est asiatique mais aussi dans d’autres continents, sont en train d’acquérir à marche forcée, les techniques et la rigueur de la médecine issue des technologies scientifiques occidentales.

 

Inversement, la MTR/MCP jouit d’une large adhésion d’une grande partie des populations qui auraient les moyens de se faire soigner par les techniques les plus modernes. Cet engouement des sociétés occidentales pour une médecine alternative y apporte un contenu symbolique et mystique dont l’effet bénéfique placébo peut prendre une place non négligeable. La MTR/MCP doit cependant atteindre un niveau suffisant de crédibilité, d’une part pour son efficacité, d’autre par pour sa non toxicité. Ces deux  restrictions doivent aujourd’hui subir l’épreuve d’une standardisation pour l’évaluation des médicaments, les essais cliniques et la normalisation des pratiques médicales. Ces progrès sont en cours et il ne fait aucun doute qu’à terme, les effets de la mondialisation engloberont également les champs de la MTR/MCP. Les chemins croisés entre la MTR/MCP et la médecine moderne sont en train de faire émerger des pratiques médicales innovantes, la complémentarité des approches se traduisant par des thérapies plus adaptées à chaque cas dans les contextes sociaux très différents des populations qui les pratiquent.

 

 

                                              ANNEXES

 

Médecine Traditionnelle Africaine

Dans beaucoup de pays africains la médecine traditionnelle est très répandue et reste souvent le seul recours accessible au plus grand nombre. La plupart des patients n’ont ni les moyens pour accéder aux traitements modernes, ni les moyens de se déplacer à partir de leurs lieux de vie en zone rurale. Souvent leur seul recours est de s’adresser à la MTR. Les traitements sont destinés à soulager d’un grand nombre de pathologies classiques, essentiellement à base de plantes médicinales.

Les tradi-praticiens africains se réunissent régulièrement pour des échanges d’information, élaborer une réglementation et obtenir la validation de leurs pratiques en présence d’experts de tous pays (Exemple : 4ème édition du Salon international des remèdes naturels africains, Ouagadougou 29 février 2004). Mais l’absence d’une politique coordonnée empêche les pays africains de se doter d’une infrastructure pour l’information de la MTR. C’est l’OMS qui a commencé ce rôle d’information pour l’Afrique en 1996. Les chefs d’état de l’Organisation de l’Unité Africaine ont élaboré une loi sur la « Protection des droits des communautés locales, des agriculteurs et des obtenteurs, et règles d’accès aux ressources biologiques ». Bien que les pays africains s’organisent sur le plan juridique, la protection de la diversité biologique africaine demande encore beaucoup d’effort pour devenir réellement efficace.

De nombreux tradi-praticiens de pays africains sont soucieux de faire valoir leurs droits en tant que détenteurs de savoirs traditionnels. Mais pour que ces droits soient reconnus, encore faut-il qu’un état des lieux locaux soit disponible pour pouvoir présenter une requête auprès de l’OMPI. Face à cette situation, les détenteurs de savoirs n’ont souvent que la solution de ne pas divulguer leurs connaissances, d’où une absence d’enregistrement auprès des Structures Nationaux de la Propriété Industrielle en Afrique.

Les plantes sont une des grandes richesses de ce continent. Un grand nombre de ces plantes a déjà été exploité par les industries pharmaceutiques américaines et européennes souvent sans retombées de bénéfices pour les pays d’origine. La prise de brevet garantissant un monopole dans l’utilisation de ces médicaments, elle les met parfois hors de portée des habitants de leurs pays d’origine de par leur prix prohibitif.

Il existe cependant des exemples de communautés tribales dont les connaissances ont été valorisées par des entreprises pharmaceutiques. A l’exemple des San, Bochiman d’Afrique australe, les négociations avec des entreprises ont abouti pour l’obtention de revenus sur le transfert de savoir sur les plantes médicinales. L’ethnie San d’Afrique du Sud a ainsi obtenu des revenus qui sont partagés entre les tribus réparties sur d’autres territoires, en Namibie, au Botswana, en Zambie et en Angola.   

 

 

 

 

Médecine Traditionnelle Chinoise

 

Ce qui aujourd’hui est appelé médecine traditionnelle chinoise (MTC) est le fruit d’une expérience de plus de 5000 ans, de l’apport de notions et de pratiques en provenance de différents pays voisins asiatiques. C’est après 1949 et l’établissement de la République Populaire de Chine que la MTC a officiellement existé avec la création d’instituts, d’un enseignement et d’un début de normalisation. Le nombre de médecins et praticiens de la MTC est estimée à plus de 500 000, 2 500 hôpitaux ont une consultation spécialisée et 170 instituts de recherche étudient et approfondissent les différentes techniques. En Chine, la pratique de la MTC est estimée couvrir 40% des besoins de santé. Elle est enseignée en parallèle à la médecine occidentale, chaque université médicale comportant une section de MTC, pratiquement tous les hôpitaux comportent une consultation en MTC.

 

La MTC comporte l’utilisation de plantes médicinales, l’acupuncture, les massages et les manipulations ont largement prouvé leur efficacité. L’utilisation de l’acupuncture est maintenant largement répandue dans la pratique médicale occidentale, les médecins allopathes reçoivent une formation et de nombreux hôpitaux comportent une consultation d’acupuncture. La moxibustion qui consiste à stimuler les points d’acupuncture par la chaleur provoquée par la combustion de poudre de feuilles d’armoise est également très utilisée en Chine. Son usage ne s’est pas généralisé hors de la zone du sud-est asiatique.

 

Le Qi Gong, le Tai Chi Chuan, sont autant de techniques qui s’adressent au corps mais également au psychique. En effet, dans les médecines asiatiques, le fonctionnement mental n’est pas dissocié de celui du corps physique. L’intervention sur l’un va influer sur l’autre. La médecine allopathique commence d’ailleurs à se rapprocher de ce point de vue en mettant en évidence les liens entre le psychisme et les différents éléments de la réponse immunitaire. Le Tai Chi Chuan consiste à pratiquer des enchaînements de mouvements avec des gestes lents pour favoriser la maîtrise de son corps et le développement de la concentration. Cette « méditation en mouvement » permet de renforcer son équilibre physique et mental grâce à une meilleure circulation de l’énergie vitale. Sa pratique est un dérivé des arts martiaux.

 

Parmi les réussites de symbiose des MTR et de la médecine allopathique, l’utilisation et la commercialisation de plantes telles qu’Artemisia annua  contre le paludisme a été exemplaire.

 

 

Médecine Ayurveda Indienne


La médecine Ayurveda originaire de l'Inde ancienne et a également une histoire millénaire.  Cette médecine est rapportée dans les livres sacrés de l'hindouisme écrits en sanscrit, les Veda. Elle  est  enseignée dans des écoles et à l'université en parallèle aux cours de médecine moderne. Cette médecine est comme la MTC, basée sur la prévention par une hygiène de vie, de nutrition, et d’attitude mentale. Les maladies seraient également la conséquence d’un déséquilibre. Les manipulations du patient par massage, la diététique, l’utilisation de médicaments à base de plantes et de produits animaux sont les principaux moyens d’action. La pratique du yoga participe également à l’équilibre psychique et physique.

 

La médecine traditionnelle tibétaine est fortement influencée par la médecine ayurvédique et chinoise.

 

Médecine traditionnelle d’Amérique Latine

Les pays d’Amérique Latine possèdent des connaissances médicales en provenance des indiens. L’arrivée des colons européens et des esclaves africains a permis aux deux médecines de co-exister dans les populations souvent métissées issues de l’immigration. L’influence africaine y est très forte et les pratiques médicales y côtoient les pratiques religieuses des trois continents.

Servies par une richesse naturelle en plantes, les perspectives de développement scientifique de médicaments à partir des ressources naturelles sont importantes.  La géographie de l’Amérique Latine offre aux plantes, une grande variété de climats : plateau des Andes, forêt amazonienne, grandes plaines, qui ont donné naissance à de très nombreuses plantes médicinales. Cette région du monde constitue une réserve en biodiversité d’une grande richesse. La très grande majorité des plantes n’ont pas encore été identifiées. Le potentiel d’y découvrir des plantes médicinales est encore très prometteur.



Gastronomie et santé

 

Comme en Inde, il existe en Chine une cuisine comportant des plats médicinaux. Des restaurants très populaires en Chine proposent aux consommateurs des menus à base d’ingrédients ayant des vertus médicinales en fonction des maux décrits par le client. En Inde, des observations récentes décrivent le curcuma comme pouvant avoir un effet retard sur la maladie d’Alzheimer. Des recettes indiennes sur l’art d’utiliser les épices et les préparations culinaires, sont également proposées pour améliorer l’état de santé des convives. Des centres ayurvédiques culinaires ont été créés dans le sud de l’Inde pour répondre à une demande de plus en plus forte … de la part des touristes occidentaux.

 

 

Méditation

Agir sur le mental pour influer sur le physique a longtemps été considéré comme ésotérique en raison de la tradition occidentale de la dichotomie entre l’esprit et le corps, entre l’âme et la chair. Cette fracture n’existe pas dans la culture chinoise où la description des fonctions des organes et des viscères ne met pas le cerveau dans une catégorie à part. Tout étant inextricablement lié entre les différentes fonctions, le corps peut agir sur le mental et la pensée peut influer sur le physique. Les publications scientifiques de ces dernières décennies montrent qu’en effet le mental peut jouer un rôle non négligeable dans l’établissement d’une réponse immunitaire contre les agressions extérieures, pour renforcer l’organisme contre certaines formes de cancer.

En 2004, une publication des très célèbres Comptes Rendus de l’Académie des Sciences Américaines par une équipe de l’Université de Madison aux Etats-Unis montre que la méditation pouvait provoquer des variations dans les électroencéphalogrammes. La méditation pratiquée par des personnes expérimentées génère la formation d’oscillations rapides appelées fréquences gamma. Ces fréquences sont habituellement rencontrées en état d’éveil chez des personnes ayant une activité intellectuelle élevée. Au cours de la méditation, cette activité est particulièrement intense dans la zone frontale du cortex où sont situées des fonctions cérébrales complexes et montre une forte capacité d’intégration et de coordination des processus mentaux. Ces observations confirment les pratiques asiatiques d’interventions mentales sur le corps sous différentes formes. Aux Etats-Unis, la médiation est déjà utilisée en milieu hospitalier pour le traitement du stress. 

 

MTR et SIDA

Depuis l’apparition du SIDA, l’espoir de trouver des thérapies efficaces à partir des MTR a stimulé la recherche. D’innombrables produits ont été présentés comme des drogues ayant une efficacité contre l’infection par le virus du SIDA. Cependant, la reconnaissance officielle de leur efficacité est rare. En 2004, la première drogue de MCT est autorisée à être utilisée, « la Tang Herbal Tablet »( Golden Meditech Co Ltd, Hong Kong). La « Ke’aite » a obtenu de la State Food ans Drug Administration chinoise (SFDA) l’autorisation de commencer les essais cliniques de phase 2 après avoir passé avec succés les essais de phase I. L’Académie chinoise de MTR a également proposé une drogue (CATCM-II), considérée comme une innovation majeure par le Ministère des Sciences et de la technologie. Une autre drogue préparée à Kunming dans le Yunnan a été autorisée par les autorités pharmaceutiques thailandaises en tant que nouveau médicament.

Cependant, les médicaments issus de la MCT ne sont pas virucides et leur principale efficacité est une meilleure résistance au SIDA lorsqu’ils sont utilisés dans un cocktail médicamenteux, sans doute par une action sur le système immunitaire. Un autre avantage réside en des effets secondaires moins importants que les drogues chimiques habituellement utilisées. Mais comme pour tous les autres médicaments issus de la MCT, les méthodes d’évaluation et l’absence d’une standardisation difficile, ne permettent que difficilement de réelles comparaisons d’efficacité cliniques avec les médications chimiques.

Plusieurs médicaments anti-SIDA sont également testés dans d’autres pays. De façon générale, ils sont réputés avoir une action de stimulation immunologique et favoriseraient principalement la défense de l’organisme. Ils sont efficaces associés à des antiviraux allopathiques classique.

 

Qing Hao Su ou Artemisinine

Les articles sur les MTR/MCP dans des revues scientifiques restent rares et ne font état que des médicaments qui ont été introduits dans la pratique allopathique tel que Artemisia annua pour le traitement du paludisme. Son histoire est exemplaire des contraintes culturelles et des réticences scientifiques qui font que plusieurs décades ont été nécessaires pour que son efficacité soit reconnue « scientifiquement ». Elle a débute dans les années 60 par une recherche bibliographique dans les textes de la pharmacopée chinoise pour identifier une plante contre la fièvre. Les premières expériences par les scientifiques de l’Académie de Médecine Chinoise Traditionnelle dont le Docteur Tu You-You, montrent une efficacité du Qing Hao Su extraite d’Artemisia annua. Cette plante est une armoise utilisée depuis plus de mille ans dans la pharmacopée chinoise. Vingt années passent avant que les résultats ne soient divulgués à une conférence internationale dans l’indifférence générale, en raison de l’image très négative qu’avait la médecine traditionnelle chinoise à l’époque. De plus, des expérimentations parallèles dans les laboratoires américains ne donnent pas de résultats concluants. Les médicaments à base de Qing Hao Su sont cependant commercialisés et utilisés dans les pays du sud-est asiatique. C’est seulement dans les années 90 que l’efficacité de ces médicaments est reconnue par la médecine occidentale. Il est considéré aujourd’hui comme étant un médicament particulièrement efficace pour la lutte contre le paludisme.

L’OMS, dans son programme de lutte contre le paludisme a établi un accord avec Novartis pour produire le Coartem, principal outil thérapeutique qui contient des dérivés du Qing Hao Su. D’autres produits comprenant des associations de plusieurs anti-paludéens ou artemisinine-based combination therapy, sont d’une très grande efficacité. Dans le programme « Roll-Back Malaria » les anti-paludéens à base d’artemisinine constitueront le dispositif central, les autres formulations de médicaments et les nombreux vaccins à l’essai n’ayant pas encore prouvé des potentialités thérapeutiques comparables. Cependant la production et la commercialisation des médicaments restent problématiques, les seuls utilisateurs étant ceux habitants les régions les plus pauvres de la planète et les quantités produites sont nettement inférieures à celles nécessaires pour les millions de personnes affectées par le paludisme tous les ans. Cet exemple illustre et explique également la faiblesse des moyens de recherche affectés pour l’éradication des maladies dont les bénéfices ne sont pas au niveau de ceux obtenus dans les pays les plus développés.

Médecine traditionnelle et propriété industrielle


L’Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle (OMPI) s’est saisie des problèmes liés à la protection des savoirs traditionnels et a élaboré des normes techniques à la suite d’initiatives locales, nationales et internationales. Un Comité intergouvernemental de la propriété intellectuelle relative aux ressources génétiques, aux savoirs traditionnels et au folklore (1-5 novembre 2004) a établi un état des lieux à partir de bases de données enregistrées. Le but est de préparer les consultations internationales pour la défense des intérêts des détenteurs de savoirs traditionnels et de ressources génétiques dans le domaine de la propriété industrielle. Les derniers travaux concernent une base numérique des savoirs traditionnels de l’Inde, une base de donnée des brevets de la MTC ainsi qu’une base de donnée des tribus Tulalip des Etats-Unis et de données transmises par le Vénézuéla. A terme, le Comité pourrait collecter l’ensemble des savoirs traditionnels existants à partir d’un champ très large d’initiatives. Environ une cinquantaine de bases de données vont être compilées.

 

La médecine ayurvédique traditionnelle indienne originalement écrite en sanskrit a été traduite en 5 langues et 36 000 formules ont fait l’objet d’une numérisation. La médecine Unani a également fait l’objet d’une base de donnée. Plus de 12 000 documents ayant valeur de brevets et plus de 36 600 formules médicinales ont été enregistrés sur la base de donnée de la MTC par l’Office d’Etat de la Propriété Industrielle de Chine.

 

Le groupe des pays asiatiques a proposé un document pour obtenir un consensus inter régional sur les caractéristiques techniques des savoirs traditionnels et des ressources génétiques ou biologiques afin d’en établir la propriété juridique du détenteur de ceux-ci et de préserver leur maîtrise en cas d’exploitation ou d’utilisation. L’ensemble de ces initiatives constitue une démarche propre à normaliser l’utilisation des MTR suivant des critères et des standards propres qui devront être néanmoins confrontés à ceux issues des pharmacopées occidentales.

 

 

 

Publié dans la revue "Passages"

 

Sommaire Passages n°145

Eté 2005

 

Journal Médecine et Sciences, JMS n°13

 

Dossier : Le Médicament : entre politique et business

 

 

Les médecines traditionnelles, Henri Tsiang (pp.130-139)

 

 

 



17/07/2011
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